Salut à tous ! Cet article devait sortir la semaine dernière mais un événement est venu tout chambouler et m’a donc contrainte à le publier plus tard. J’ignore si vous suivez l’actualité de près mais, ce mercredi 28 Février 2024, sonne l’inscription dans la constitution de la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Cette actualité ne saurait mieux résonner avec le roman graphique que je m’apprête à vous présenter aujourd’hui puisqu’il met à l’honneur une grande dame qui a permis la dépénalisation de l’avortement en 1975 : Simone Veil. Comme une forme d’hommage à cette personnalité inspirante, je vous parle aujourd’hui du roman graphique « Simone Veil ou la force d’une femme » écrit par Annick Cojean et Xavier Bétaucourt, illustré par Etienne Oburie, chez la maison d’édition Steinkis.
Ce roman graphique porte une histoire, celle de Simone Veil et des confidences qu’elle a pu faire au cours des diverses entretiens avec la journaliste Annick Cojean. Ce portrait est fait de manière authentique et naturel, une découverte plus humaine de cette personnalité hors du commun qui marquera à jamais la France.
La couverture de ce roman graphique ne serait qu’appuyer l’empreinte qu’a laissé Simone Veil dans les mémoires. Notre protagoniste attire le regard grâce à sa tenue bleue qui contraste avec les coloris rosés du reste de l’illustration. Elle est au centre de l’attention, insistant ainsi sur l’aspect important et médiatique de cette personnalité publique (aussi bien politiquement qu’historiquement ou qu’humainement). Si vous regardez bien, vous pouvez observer une ombre discrète mais bien présente sur le sol : celle de Annick Cojean. Son image est à l’écart des autres journalistes, appuyant ainsi sur cette relation privilégiée et particulière qu’elle entretenait avec Simone Veil. En prenant le temps de bien détailler l’illustration vous remarquerez, qu’en dehors de Annick, tous les journalistes sont des hommes. J’avoue que plusieurs lectures de cette couverture sont possibles mais j’aime imaginer que c’est ce lien entre femmes qui est mis à l’honneur !
J’ai été subjuguée par les choix artistiques de ce roman graphique ! Les planches sont monochromes mais les couleurs varient selon les périodes/souvenirs évoqués au cours du récit (passant du jaune, au violet, au noir ou même au bleu) ! Les dessins sont, certes simples, mais également emprunt à un grand réalisme qui permet aux lecteurs de se projeter dans les différentes vies de Simone Veil. J’ai été impressionnée par les détails des expressions faciales, la manière dont les détails d’un visage (même en dessin) permettent de projeter des émotions aussi intenses.
Réussir à faire tenir la vie de Simone Veil en une centaine de pages est absolument bluffant ! Quand on y pense, cette femme a vécu tellement de choses qu’on ne peut s’empêcher de penser que même avec toutes les pages d’un dictionnaire on ne parviendrait pas à dépeindre un portrait fidèle de cette grande dame. Ce récit biographique est construit d’une manière atypique mais, à mes yeux, rien n’aurait pu rendre cette histoire plus humaine et touchante. Aussi perturbant que cela puisse paraitre, le roman graphique s’ouvre sur l’annonce de la mort de Simone Veil. C’est pour le journal « Le Monde », en 2017, que Annick Cojean a été missionnée afin d’écrire un article en hommage à Simone Veil (texte qui est d’ailleurs disponible à la fin de l’œuvre graphique). L’histoire ne suit pas forcément l’ordre chronologique des événements de la vie de Simone Veil mais plutôt les divers entretiens et moments privilégiés passés entre la journaliste et cette femme illustre. Si le récit ne s’était concentré que uniquement sur les moments médiatiques marquants il se serait complaint dans la facilité alors qu’ici on explore également les moments intimes. A travers ces conversations entre la journaliste et Simone Veil, le roman graphique met l’accent sur l’humain.
Au fil des pages la lectrice/le lecteur peut découvrir les instants historiques de Simone Veil : sa prise de parole à l’assemblée nationale pour défendre la loi pour l’IVG dans les années 70, ses divers combats pour la cause des femmes, son parcours dans l’administration pénitentiaire, sa déportation, sa visite de Auschwitz-Birkenau en 2004 et j’en passe. Ce qui est intéressant, au-delà de ce parcours extraordinaire, c’est que ce roman graphique ne réduit pas cette grande dame à ses combats mais nous la rend plus humaine et accessible en abordant également des aspects de sa vie familiale. Là où on a tendance à évoquer cette femme uniquement pour ses actions, Annick Cojean a su nous rappeler tout en émotion l’être humain qu’elle était.
Je pense qu’il y a un choix scénaristique qui m’a marqué puisque, à mes yeux, il était inattendu : l’ouvrage ne parle pas uniquement de Simone Veil mais également de l’empreinte qu’elle a pu laisser ! C’est une femme qui a marqué la France historiquement, elle a une importance et a eu un impact non-négligeable sur de nombreuses générations. Je ne me suis pas lancée dans cette lecture par hasard, étant moi-même une grande admiratrice de Simone Veil, je voulais en apprendre plus sur elle. A travers ce roman graphique, c’est bien la puissance, l’élégance, la douceur, l’abnégation et la force de cette femme qui n’ont fait qu’amplifier l’estime que j’avais déjà à l’origine pour cette grande dame. La proximité partagée par Annick Cojean au cours des entretiens a permis d’apporter un sentiment d’intimité au récit, comme si une brèche s’était ouverte pour nous faire découvrir une partie plus vulnérable de Simone Veil.
A travers cette histoire, les lecteurs passent par différentes émotions mais je dois admettre que je me souviens surtout de la colère que j’ai ressenti au moment d’aborder le combat qu’avait pu être la loi sur l’IVG. Je ne pouvais pas m’empêcher de relire les pages, sous le choc de ce que Simone Veil avait pu essuyer comme insultes de la part de différentes personnalités de l’assemblée nationale. Je pense que c’est celles où l’on ose comparer la loi qu’elle défend (de disposer de son propre corps finalement) au régime nazi. Comment avoir osé dire de telles choses à une personne qui a connu l’horreur des camps et qui y a même perdu des membres de sa famille ? On ne peut que rester bouche bée face à la violence verbale inouïe qu’elle a pu recevoir au sein de l’hémicycle. Bien sûr, les moments forts et parfois même violents sont contrebalancés par des instants plus doux pour faire retomber un petit peu les lecteurs.
J’ai vraiment trouvé ce roman graphique très complet et intéressant ! Aussi bien historiquement qu’humainement cet ouvrage porte de belles valeurs et nous fait découvrir Simone Veil d’une façon inédite ! Je ne peux que vous conseiller cette œuvre graphique d’une qualité bluffante, porteuse d’une histoire inspirante et percutante. Alors que l’IVG s’apprête à rentrer dans la constitution, quoi de mieux qu’en apprendre un peu plus sur la femme qui a permis que tous ces changements soient possibles ?